Laurent Baleydier, créateur du métamoteur cartographique Kartoo, tente, dans cet article, de mobiliser ses deux hémisphères cérébraux pour nous faire comprendre pourquoi il faut en faire de même pour mieux rechercher l'information sur le Web et pourquoi Google ne s'intéresse qu'à la partie gauche de notre cortex. Un vibrant plaidoyer pour les interfaces cartographiques...

Comment mobiliser toutes nos aires cérébrales pour chercher l'information ?

Le leader des moteurs de recherche a su imposer une interface simple et dépouillée où le texte est roi. A la base de ce succès, on trouve également la pertinence des résultats et la rapidité d'affichage.

Pourtant, ces trois qualités - simplicité, pertinence, rapidité - ne semblent s'adresser qu'à ce que l'on nomme communément " le cerveau gauche ", c'est-à-dire les fonctions cérébrales spécialisées dans la gestion des symboles (chiffres et lettres en particulier), la logique, l'organisation, l'intellect. Convenant à ceux qui utilisent préférentiellement leur cortex cérébral gauche, Google ne satisfera jamais que 50% de la population mondiale des internautes : les cerveaux droits sont oubliés !

Lorsque l'on regarde l'interface de Google, on s'aperçoit qu'elle est parfaitement adaptée aux aires cérébrales gauches :

- Seul le logo du moteur vient s'immiscer au milieu du texte et lui-même est constitué de lettres. Le nombre de résultats est mis en valeur et les numéros des pages suivantes occupent le bas de l'écran. Quant au temps de réponse, il est indiqué au centième de seconde près !

- Les paragraphes des résultats sont classés et numérotés, l'organisation de la page est parfaitement régulière, comme dans un tableau.

- La saisie des requêtes respecte la logique mathématique booléenne.

Je pourrais évoquer aussi la syntaxe avancée, le respect des normes HTML, les raccourcis claviers, etc… on dirait que l'ergonomie a été inventée par un programmeur pur et dur ! Et c'est le cas bien sur 😉

Et ça marche ! La présentation de Google est parfaite… pour les informaticiens car ils font de préférence fonctionner leur cerveau gauche : ils maîtrisent la lecture et sont capables de déplacer rapidement leur regard d'un paragraphe à l'autre pour saisir la phrase qu'ils recherchent ; ils sont habitués aux syntaxes complexes et aux raccourcis claviers qui leur font gagner de précieuses secondes ; tout élément graphique ou de convivialité devient à leur yeux totalement superflu dans la mesure ou ces éléments pourraient perturber l'organisation rigoureuse de la page.

En fait, seule la fonction "images" vient réconcilier pas mal de "cerveaux droits" avec Google. Mais comment le moteur aurait-il pu présenter les résultats de ces recherches graphiques autrement qu'avec des vignettes en lignes successives et monotones ?

Des feux rouges et des compte-tours pour les moteurs ?

Et pourtant, les éléments visuels autres que le texte sont parfois grandement utiles. Lorsque vous arrivez à un carrefour au volant d'une voiture, le système tricolore vert-orange-rouge est tout de même plus pratique que des écriteaux avec des phrases pour nous expliquer qu'il faut s'arrêter… Si l'on poursuit l'analogie avec la voiture, le compte-tours permet de savoir rapidement si le "moulin" va trop vite. Pour un moteur de recherche, on pourrait très bien imaginer un quadrant avec le nombre de résultats trouvés et une zone rouge pour signaler qu'il faut préciser sa recherche. L'information pictographique peut aussi permettre un gain de temps, mais elle doit être accompagnée d'une légende (la bulle d'aide est une bonne solution) ou d'un apprentissage comme pour le code de la route. Les images sont également utiles : les copies d'écrans miniatures d'OpenThumbShots font appel a notre mémoire visuelle… et donc a notre cerveau droit.

Une présentation visuo-graphique, et encore mieux visuo-spatiale, condense l'information dans le temps, puisque notre cerveau est alors capable de saisir de nombreuses données en un instant (voir ci-contre un moteur de recherche immobilier). Le temps de chargement est aujourd'hui négligeable avec l'augmentation du débit, surtout avec les technologies d'images vectorielles. Et le temps de réponse du moteur - qui nous a tous impressionné à la première utilisation de Google - peut rester inchangé. Autrement dit, la lecture immédiate des images par notre cerveau droit fait gagner bien plus de temps que l'on peut en perdre lors du chargement. Parfois même, le gain est spectaculaire comme pour les données géographiques : à l'évidence, il est plus aisé d'utiliser un plan d'accès qu'un descriptif de localisation (voir l'excellent map24.com).

Autre exemple : lorsqu'on veut décrire dans un rapport écrit une famille plutôt complexe (parents divorcés, remariés plusieurs fois, avec les enfants de chaque foyer), la lecture du paragraphe de présentation devient rapidement rébarbative car c'est tout simplement incompréhensible ! C'est pourquoi a été inventé le "génogramme", schéma spatial ordonné par des règles, un code, qu'on apprend vite et qui permet de visualiser la constellation familiale, même très étendue, d'une façon immédiate. Notre cortex droit est un expert en gain de temps pourvu qu'on lui propose un peu de gymnastique !

Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).