Gmail, le webmail de Google, affiche des liens sponsorisés contextuels à côté des mails qu'il affiche. Ces publicités sont choisies en fonction du contenu textuel du mail reçu ou émis. Cette fonctionnalité a déchaîné les passions lors du lancement de l'outil, il y a trois ans de cela. Les défenseurs des données privées arguaient du fait que même un robot ne devait pas lire un contenu à caractère privé. Qu'en dit le droit aujourd'hui, au regard des décisions et jurisprudences survenues depuis trois ans ?

La publicité existait déjà sur les sites Internet sous différentes formes, et notamment avec des bannières ou des liens sponsorisés, depuis de nombreuses années. Elle apparaît aujourd'hui dans les courriers électroniques, sous forme de liens contextuels, liens publicitaires ciblés en fonction de leur contenu, notamment sur les webmails comme Gmail de Google. Ces liens publicitaires sont insérés dans les courriers électroniques, en contrepartie de l'offre d'une messagerie électronique gratuite.  Cette forme de publicité a manifestement vocation à s'étendre et sera proposée, dans les années à venir, par plusieurs prestataires.

Techniquement, un « robot » scanne le contenu des e-mails reçus ou, le cas échéant, émis par un titulaire d'un compte mail sur Internet, et propose, en bas et/ou sur le côté de la page du courrier électronique, des liens sponsorisés en rapport direct avec le texte du message. En l'état actuel de la technique et des déclarations des prestataires, il semble qu'aucune intervention humaine ne soit prévue. Il convient au demeurant de souligner que cette pratique existe depuis plusieurs années pour filtrer les virus et les spams, étant précisé que ces pratiques ont été considérées comme valables juridiquement au regard de l'obligation des prestataires de service de fournir des services sécurisés (Article 4 de la directive 2002/58/CE  («directive e-vie privée»)).

Cette intrusion automatique a soulevé de nombreuses protestations dans le monde. Ainsi, à la suite de l'annonce de lancement de l'offre Gmail et du service de liens sponsorisés au sein des e-mails, un groupe britannique de défense de la vie privée, « Privacy International » a porté plainte, en avril 2004, en Grande-Bretagne contre Google et a alerté des organismes de surveillance de la vie privée et de protection des données personnelles de 17 pays. Aujourd'hui, Google continue de fournir ce service et plusieurs prestataires étudient la possibilité de faire de même.

Au-delà des fondements civilistes (et notamment l'article 1382 du Code Civil permettant, en toutes hypothèses, la réparation d'un préjudice consécutif directement d'une faute), plusieurs fondements juridiques doivent être pris en compte pour évaluer la validité de l'offre et de la pratique de l'insertion de liens sponsorisés dans les e-mails.

Le secret des correspondances privées

Tout d'abord, les courriers électroniques se sont vus reconnaître la qualification de correspondance privée par les tribunaux français.

Dès 2000, le Tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 17ème ch., 2 novembre 2000, Françoise V., Marc F., Hans H. /ministère public, Tareg Al B., J. Devèze, M. Vivant, Rev. Lamy Droit des aff., 01.10.2001, n°42, p.5-9.) a décidé que les courriers électroniques étaient couverts par le principe du secret des correspondances. Rejoignant la doctrine dominante (Rapport L. D. 2000, n° 41, « Point de vue » : Secret des correspondances et courriers électroniques), le jugement sanctionne des agents du CNRS pour violation du secret des correspondances, caractérisée par le contrôle de courriers électroniques d'un thésard du laboratoire placé sous leur responsabilité.

Toutefois, la reconnaissance du caractère privé d'un courrier électronique est soumise à certaines conditions : « la correspondance est protégée par la loi, dès lors que le contenu qu'elle véhicule est exclusivement destiné par une personne dénommée à une autre personne également individualisée, à la différence des messages mis à disposition du public ».


Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).