Chaque mois, nous allons demander à une personnalité du SEO francophone sa vision du futur de notre métier à une échéance de 5 ans (au-delà on peut imaginer que c'est de la pure science-fiction). Ce mois-ci, c'est Laurent Bourrelly, consultant SEO bien connu qui nous donne sa vision du futur de ce métier. Et, fidèle à son image, il en profite pour asséner quelques vérités qui dépôtent. Mais qui font également réfléchir sur le sujet...

Par Laurent Bourrelly


Au moins, nous aurons eu le privilège d’avoir vu un métier naître et mourir... Je ne sais pas s’il existe d’autres professions qui auront connu une ascension fulgurante, tout en se retrouvant dans le placard à balais de l’économie du numérique, en moins de vingt ans. Le référenceur tenait en effet le pouvoir entre ses mains car il possédait la clef du trafic gratuit en provenance de Google.

Le Search, maître absolu du marketing en ligne

Parmi tous les vecteurs de visibilité disponibles dans l’arsenal du site Web, pour qui veut devenir célèbre sur Internet, le Search est clairement le meilleur, tous KPI confondus. Dans les anciens temps de l’Internet, Google était le sauveur. Les gens ont confiance en Google pour apporter une réponse qualifiée à leurs questions. On apprécie de trouver la bonne information sur Internet et Google régnait sans partage sur le secteur de la recherche d’information sur le Web. Encore aujourd’hui et sans doute pour toujours, le Search remporte haut la main le sacre de meilleur levier marketing.

Et si Google avait une forme?

Ceci est le titre d’une recherche au sein de Google X, le labo d’innovation que Larry Page, co-fondateur de Google, avait initié il y a quelques années. Google invitait des experts dans une multitude de thématiques, afin de pouvoir dessiner le futur. Pour la faire courte, on se dirige tout droit vers la puce dans le cerveau. On sera connecté en permanence et Google sera présent en permanence autour de nous.

Aujourd’hui, lorsqu’on demande à Larry Page ce qu’il pense de Google, le moteur de recherche, il répond que les gens ne comprennent pas que pour lui cela représente le projet de travail pour son diplôme d’université et rien de plus. Difficile de ne pas le comprendre puisque Google a apporté gloire et fortune à ses créateurs, mais qu'ils ne peuvent pas se contenter de cela pour satisfaire leur soif d’innovation et de technologie.

Si on doute encore que Google n’est rien d’autre qu’une vache à lait pour Alphabet, il suffit de jeter un coup d’oeil aux rapports faits devant les investisseurs tous les trimestres. J’adore la mention du moteur de recherche fin 2017 où il est question des progrès dans la lutte contre le spam, notamment en ce qui concerne les fermes de contenu. Si ma mémoire est bonne, c’est plutôt en 2012 que la pénalité Panda a sévi contre les fermes de contenu.

Par contre, la déconnexion totale des plus grandes instances chez Google, vis à vis de la réalité des évolutions du moteur, démontre parfaitement l’importance toute relative de Google pour Alphabet. Même avant que Google devienne Alphabet, les ingénieurs qui n’étaient pas assez bons pour travailler chez Adwords étaient refourgués chez le moteur de recherche.

Mais cela n’enlève en rien le fantastique travail effectué par les équipes en charge du moteur. Encore aujourd’hui, c’est le meilleur moteur de recherche, malgré l’avancée technologique des concurrents, connaissant toujours une popularité énorme auprès du grand public.

Ce n’est pas le cas partout dans le monde, mais les français aiment utiliser Google. Dans 5 ans, je ne sais pas si ça sera toujours le cas.

La courte histoire du Web nous a appris que les gens peuvent abandonner sur le champ un service, dès qu’il y a quelque chose de mieux ailleurs. Ainsi, on focalise notre travail sur un service, dont le propriétaire ne voit pas au-delà de la vache à lait. Remarque : c’est un peu aussi notre vache à lait, il faut bien le dire…

Le futur est radieux

Lorsqu’on prend le Search dans sa globalité, les perspectives sont hallucinantes. En revanche, je ne donne pas cher de ceux qui vont encore focaliser sur Google, le moteur de recherche version desktop, pour devenir célèbre sur Internet.

Bien sûr, il y aura toujours des niches pour continuer à gratter du trafic gratuit. Mais ceux qui voudront gagner la timbale doivent ouvrir les yeux dès aujourd’hui.

Nous ne savons peut-être pas de quoi demain sera fait, mais il y a une certitude sur l’évolution de la faisabilité en SEO : ce n’est plus aussi facile de se positionner en 1ère position sur les mots clés à forte valeur ajoutée. Pour moi, le 1er va s’en sortir, mais les autres vont picorer des miettes qui deviennent de plus en plus minuscules.

Google devient de plus en plus un moteur de réponses et les utilisateurs veulent être assistés, au lieu d’obtenir de simples résultats à leurs recherches. La fenêtre de visibilité au sein de la 1ère page Google va rétrécir toujours plus. Si vous en doutiez, je peux garantir qu’on ne va pas revenir en arrière. Cela ne va faire qu’empirer et il sera de plus en plus incertain de profiter du trafic gratuit issu de Google.

Quand on a connu la période dorée, entre 2004 et 2013, il est difficile d’être motivé pour travailler 10 fois plus et gagner 10 fois moins.

Mais je n’ai pas dit que Google n’était pas un excellent apporteur d’affaires. Au contraire, c’est le meilleur ! Sauf que cela devient de plus en plus complexe sur les grosses thématiques et ça va forcément devenir rapidement compliqué pour tout le monde.

Pire, on s’aperçoit que les leviers SEO sont sublimés lorsqu’on active tout ce qui tourne autour du périmètre du référencement. Comme suggère le projet Google X, le Search est sorti de Google version desktop, pour entourer notre vie. Le mobile n’est que le début de l’aventure et nous sommes déjà sur une autre planète, en ce qui concerne les leviers de visibilité.

Même au sein de la communauté SEO mondiale, j’observe une énorme volonté de mutation. Un indice, parmi tant d’autres, réside dans le rebranding (plus ou moins réussi) de piliers du SEO, tels que Moz, Majestic ou Authoritas.

Asterix SEO

En France, le SEO vit dans une tour de verre. Il ne s’élève pas au-dessus du Content Marketing, donc il se fera croquer. Dans 5 ans, le travail du SEO en France sera une simple case à cocher au sein d’une stratégie largement plus globale.

Les budgets et les salaires vont rester confortables. Les enjeux seront encore très intéressants. Ce qui va l’être moins est le sentiment de n’avoir qu’un strapontin au dernier étage pour regarder le spectacle.

Evidemment qu’il reste encore une infinité de sites Web à référencer. Le problème n’est pas là.

Les réseaux sociaux

Le SEO n’a pas disparu à cause de Facebook ou Twitter. Cependant, les sources disponibles pour trouver une information se sont démultipliées. Ce sont des pans entiers de la recherche d’information qui échappent désormais à Google. Les réseaux sociaux sont une chose, mais l’Effet Amazon me semble encore plus symptomatique.

Imaginons une personne en train de chercher à acheter un produit sur son mobile. Va-t-elle comparer sur Google ou directement se servir chez Amazon?
Google n’avait pas vu le commerçant venir, mais ce sont des mots clés éminemment commerciaux qui ne tombent plus dans la besace de Google.

Travailler sa présence sur les réseaux sociaux ne peut pas se comparer au référencement sur Google. Il y a quelque chose de magique à se positionner sur une requête que les gens vont chercher. Sur les réseaux sociaux, on doit envisager d’autres enjeux, tels que la Lifetime Customer Value ou Soft Conversion.

Le fait que l’approche de la visibilité sur les réseaux sociaux diffère du référencement sur Google ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en préoccuper.

Peu importe où les gens cherchent, on veut être placé partout.

SEA vs. SEO

Je suis bien placé pour parler des bénéfices du trafic gratuit de Google, mais je ne suis pas aveugle, par rapport aux attraits du trafic payant. Le SEA et le SEO sont éminemment complémentaires, mais on retrouve trop peu de spécialistes SEO, qui ont versé dans l’art et la manière d’acheter des mots clés. Ne pas se pencher sur les intérêts du SEA est une faute grave pour un SEO.

Pourtant, c’est bien plus facile d’acheter pour 10€ de pub et gagner 1000€, plutôt qu’hypothéquer une éventuelle position en organique. Le SEA est surtout une question d’arbitrage, alors que le SEO tient parfois de la potion magique.

Encore une fois, nous ne sommes plus 10 ans en arrière, où on pouvait quasiment toujours se garantir d’arriver à son objectif mot clef. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué et couteux. Lorsqu’on compare les budgets nécessaires à investir un mot clef compétitif, le SEA coûte cher, mais le ROI est limpide. Le SEO coûte cher, mais le ROI est très flou. Plus les budgets vont augmenter et plus il sera difficile de rationaliser une dépense compliquée à légitimer.

On ne sait pas quand on pourra être premier sur une requête. On ne sait pas combien de temps ça va prendre et combien de temps on va rester premier, si jamais on y arrive. Par contre, on achète un mot clef et on obtient un ROI immédiat. Certes, il faut débourser plus d’argent au départ, mais est-ce vraiment le fond du problème?

Le mobile

Cet objet qui nous suit partout est devenu la tour de contrôle de notre vie. La recherche d’information n’est plus cantonnée à Google version desktop. Pourtant, le référenceur est encore entièrement focalisé sur les leviers SEO liés à Google version desktop. Certes, le mobile est intimidant. On ne sait pas par quel bout le prendre, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’y coller pour autant.

Combien de référenceurs se sont intéressés aux applications mobiles?
Combien de référenceurs sont impliqués dans la recherche vocale?
Combien de référenceurs sont simplement informés des subtilités de l’index mobile first de Google?

Je suis le premier qui trouve que la visibilité sur mobile est beaucoup plus compliquée que sur desktop. Pourtant, je ne refuse pas d’ouvrir les yeux sur la réalité. Les usages sont totalement bouleversés et nous sommes encore accrochés à un objectif, qui n’est plus aussi attrayant qu’auparavant. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit plus s’occuper du référencement sur Google version desktop, mais cela ne doit plus être la finalité.

Les bonnes nouvelles

Certes, on peut seulement regarder en arrière, mais il n’est pas difficile d’envisager où sera rendu le SEO dans 5 ans. D’une part, la technologie en général continue d’évoluer à vitesse supersonique. D’autre part, les métiers connexes au SEO prennent plus d’importance, tandis que nous restons cloisonnés à grappiller le trafic gratuit de Google.

En d’autres termes, personne ne nous attend et nous restons pourtant persuadés que notre puissance d’antan est intacte. Comme c’est le cas depuis quelques années sur Google, en Anglais, les vainqueurs auront joué la carte du Content Marketing + SEA. Le SEO ne sera alors qu’une strate du Content Marketing.

Non, le SEO ne va pas mourir.

Il ne sera qu’une strate, au sein d’une stratégie globale, largement plus ambitieuse et en phase avec les réalités d’Internet d’aujourd’hui et de demain. Pourtant, les enjeux du Search n’en finissent plus de grandir. Les gens ne seront jamais rassasiés d’être de plus en plus assistés dans leur quotidien.

Nous sommes accrocs à une vie de plus en plus confortable. La technologie offre des possibilités infinies, qui ne finissent pas de nous surprendre. Ce n’est pas un gâchis, à partir du moment où chacun reste à sa place. Le SEO pouvait devenir le rouage central, le Maître du Search. Focaliser sur le trafic gratuit de Google n’est plus une stratégie viable, pour ceux qui ont l’ambition de devenir célèbres sur Internet.

C’est en travaillant tout ce qu’il y autour du SEO qu’un site Web connaîtra les faveurs de Google. D’ailleurs, a-t-on encore besoin d’un site Web en 2018? Tout est question de perspective.

On peut caler le SEO dans une strate ou le placer au coeur des responsabilités d’une stratégie de visibilité. Après tout, on se chagrine pour rien. Les meilleurs sauront s’adapter et les autres sauront se contenter d’un strapontin de plus en plus minuscule, au sein de l’économie du numérique.

Un très bon, un excellent SEO, celui qui sera encore debout dans 5 ans, ne pourra jamais mourir. Ce genre de bestiole survivrait à une guerre nucléaire. Devenir un très bon SEO nécessite des facultés hors du commun. Il ne pourra jamais rien lui arriver. Alors, pourquoi devrait on s’inquiéter de l’avenir du SEO?
 


Laurent Bourrelly, consultant SEO (http://www.laurentbourrelly.com/).