La vision de deux juristes (Maître Murielle Cahen et Maître Arnaud Dimeglio) sur le récent jugement de l'affaire opposant Google au site Bourse des Vols au sujet des liens sponsorisés AdWords du moteur de recherche.

Les liens sponsorisés AdWords de Google ont dernièrement été sous le feu de l'actualité (http://actu.abondance.com/2003-42/proces-google.html). Le moteur de recherche a en effet perdu, en première instance, son procès contre le site "Bourse des Vols" qui accuse le moteur de recherche d'avoir laissé des concurrents placer des enchères sur sa marque. Le cas avait été longuement évoqué dans un article de la lettre R&R en mars 2003 (http://abonnes.abondance.com/archives/2003-03/index.html). Suite à ce jugement, et au moment où Google n'en a pas fini avec ses ennuis judiciaires (http://actu.abondance.com/2003-44/google-lvmh.html), nous avons demandé à deux éminents spécialistes du domaine juridique sur l'Internet de nous donner leur version des faits. Voici donc deux articles, proposés par Maître Murielle Cahen (http://www.murielle-cahen.com/) et Maître Arnaud Dimeglio (http://www.avocat-express.com/) qui nous donnent tous deux leur vision sur cette affaire...

  1. Article de Maître Murielle Cahen (http://www.murielle-cahen.com/)

Tribunal de grande instance de Nanterre
2ème chambre
Jugement du 13 octobre 2003

Société VIATICUM, Société LUTECIEL / Société GOOGLE FRANCE

La deuxième chambre du tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine) a condamné Google à des dommages et intérêts de 75.000 euros pour contrefaçon de marque en vertu de l'article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle. Cette décision de justice intervient à la suite de l'assignation déposée en décembre 2002 par les sociétés Luteciel et Viaticum, exploitants des portails par les services de voyages en ligne Bourse des Voyages et Bourse des Vols.

Ce procès est l'un des premiers contentieux à propos du positionnement publicitaire en France. Au cœur de la polémique : le programme de liens promotionnels AdWords (présenté ainsi : "choisissez les mots clés correspondant à votre activité. Vos liens commerciaux ne s'afficheront que dans les résultats de recherche portant sur ces mots clés") du moteur de recherche, accusé de violer la législation sur les marques.

""Bourse des Vols" et "Bourse des Voyages", deux marques déposées auprès de l'INPI, ont été placées aux enchères sur le programme AdWords de Google", explique Fabrice Dariot, PDG de Bourse des Vols. Le Code de la propriété intellectuelle "interdit, en l'absence d'autorisation de son propriétaire, l'usage d'une marque déposée pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement". "Personne ne peut vendre ces marques, a fortiori aux enchères et à nos concurrents" (Fabrice Dariot, PDG de Bourse des Vols). Le moteur de recherche est accusé de : "contrefaçons", "publicité mensongère" et "détournement de marque". Il n'y aurait pas eu d'affaire en justice si le nom "Bourse des vols" n'était pas déposé auprès de l'INPI (Institut national de la propriété industrielle) et l'AFNIC (Association française pour le nommage internet en coopération).

La bataille juridique a tourné autour de la validité de "Bourse des vols" et "Bourse des voyages" comme marque distinctive et de la problématique technique du programme AdWords. "Ce jugement constitue une remise en cause, au moins partielle, d'un modèle économique émergent de l'Internet, celui des liens promotionnels payants ("adwords") sans tenir compte de la propriété intellectuelle", a expliqué à l'AFP le directeur des deux sociétés propriétaires des marques, Fabrice Dariot.

L'agence de voyage met en avant le dépôt de ces marques auprès de l'INPI et leur exploitation commerciale. Au contraire, pour Google, les mots-clés "bourse" et "vols" sont des termes généralistes, donc une marque "Bourse des vols" serait considérée comme nulle. Le TGI de Nanterre n'a pas retenu l'argumentation de Google et a statué que : Bourse des Voyages et Bourse des Vols étant des marques déposées, elles peuvent bénéficier de la protection des marques en vertu du Code de la propriété intellectuelle. Le tribunal a rejeté l'argument technique avancé par Google, qui dans sa ligne de défense, avait fait valoir que des contraintes techniques l'empêchait de distinguer la requête "vols" de celle "bourse des vols". "Les choix économiques ou technologiques de la société Google France ne sauraient porter atteinte à des droits légitimement protégés", ont décidé les juges.

Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).