Depuis vingt ans, le Web a beaucoup évolué et chacun d’entre nous a aussi bien changé. Le métier de SEO a eu sa part de changement, tout comme les moteurs de recherche et, bien sûr, les perosnnes qui y travaillent. Sébastien Monnier revient, pour ce numéro, sur les 30 mois qu'il a passés chez Google ainsi que sur sa vision des équipes "Search" du moteur de recherche, presque dix ans après son départ...

Par Sébastien Monnier

Entrer chez Google ... et en repartir !

Commençons par le début. Depuis 10 ans, on m'a posé de nombreuses fois cette question : “Comment es-tu entré chez Google ?” Non, je n’avais pas de réseau d’influence, je ne sortais pas d’une grande école et je n’avais pas le CV ultime (un peu de recherche et d’enseignement, mais rien de grandiose)... Parti à Dublin pour améliorer mon anglais, j’ai postulé à différents postes dont celui de Search Quality Evaluator. Je ne savais même pas que c’était pour Google ! Les entretiens se sont concentrés sur les compétences que j’avais acquises seul devant mon PC. Je passais alors beaucoup de temps à contribuer à Wikipedia, coder en PHP, faire des inscriptions annuaires, suivre les stats de mes sites sur Weborama, puis Google Analytics et à lire Abondance, et surtout, à l’époque, Moteurzine...

Je ne savais même pas que référenceur était un métier. Cela faisait partie de mes loisirs. L’acronyme SEO m’était totalement inconnu...

Arrivé chez Google en février 2007, on m’a vite fait comprendre que je n’entrais pas dans n’importe quelle équipe, mais dans une team ultra secrète dont je ne pouvais même pas, en théorie, discuter avec mes autres collègues. Cela s’est assoupli au fur et à mesure, mais logiquement, si une équipe anti-spam fait fuiter ses techniques de lutte, les spammeurs trouvent comment les contourner. C’était en tout cas l’idée de base sur laquelle était fondée l’équipe à cette époque.

Concrètement, je faisais quoi ?

Les 3 premiers mois, ce fut très répétitif : juger très rapidement un site en l’espace de quelques secondes pour évaluer son niveau de spam. Cette évaluation était presque un exercice puisqu’une évaluation de quelques secondes n’entraînait aucune pénalité directe. L’étape suivante, à laquelle j’ai heureusement accédé après le 1er trimestre, a été de gérer les pénalités des sites web. Ah oui, j’ai adoré faire cela : supprimer de l’index des pans entiers de sites de spam, des redirections trompeuses, des sites avec textes cachés, des sites satellites bourrés de pub... J’avais une grande productivité dans l’équipe et, cher lecteur, si vous aviez des pratiques douteuses entre 2007 et 2009, il y a de grandes chances que je vous aie collé une pénalité sur une petite poignée de domaines...  

Puis, de la simple pénalité administrée à la main à chaque domaine, l’équipe a lentement évolué vers de plus en plus d’automatisation, notamment au niveau de la lutte anti-liens trompeurs (liens échangés, achetés, faits pour le SEO...). Sans entrer dans les détails, j’ai pu soumettre des règles ressemblant à des mini-algorithmes pouvant traiter tel ou tel problème. Nous avions aussi des conf call mensuels avec Matt Cutts et son équipe. Les ingénieurs nous éclairaient sur la manière dont ils géraient le spam : passionnant mais frustrant, car le nettoyage n’allait pas assez en profondeur à mon goût.

J’ai adoré ce métier : avoir un vrai impact sur le Web, entrer dans une démarche éthique et respectueuse, travailler avec des personnes brillantes dans une entreprise qui prenait soin de ses employés. C’était génial !

Et pourtant, je suis parti... à regret, certes. Mais, après 3 ans à Dublin, mon coeur battait à Paris et j’avais aussi envie de regarder de l’autre côté du rideau.

De Google Search Quality à SEO : trahison ou continuité ?

Passer de Google au métier de SEO a été très simple. Depuis mon expérience à Dublin, je sous-estimais l’intérêt et les fantasmes que pouvaient représenter l’équipe Search Quality, même si l’équipe communication avait déjà initié des premières prises de parole.

C’est à l’occasion du premier speed recruiting SEO Camp que j’ai rencontré David Degrelle et que j’ai eu l’opportunité de manager l’équipe parisienne de 1ère Position. Il ne s’est passé qu’un mois entre mon départ de Google et mes premiers pas en agence SEO. Rejoindre une équipe de passionnés avec 10 ans d’experience a été très bénéfique.

Mais dès les premiers audits, j’ai trouvé que quelque chose n’allait pas. Les recommandations étaient remplies de “Google veut que...” ou de “c’est comme cela” parce qu’untel a fait une fois un test et a trouvé cela... Il y avait toujours une référence à une sorte de boîte noire Google dont sortaient beaucoup de fantasmes.

Mon expérience chez Google m’a beaucoup appris sur ce qu’il ne fallait pas faire mais pas vraiment ce qu’il fallait produire comme effort pour augmenter en position. Mon passage en agence m’a permis de comprendre que le SEO était avant tout un process.

“Le plus bel audit, la plus belle reco n’est rien si le client n’applique pas.”

Google ne communique jamais sur ces points car, en tout cas à l’époque où j’y étais, peu de Search Quality Evaluators avaient vraiment déjà créé un site. Des éléments de base comme l’URL rewriting étaient inconnus d’une grande partie de l’équipe. Le focus était mis uniquement sur l’analyse du comportement et de son impact sur le moteur. Se rapprocher du comportement des webmasters pour mieux les comprendre est visiblement la tendance de ces dernières années. D’une équipe ultra secrète, on est passé à une équipe de communicants.

Regrets et espoirs

En tant que SEO et ex- Search Quality, j’ai toujours cherché à respecter le mantra principal : User first. Et j’ai vite compris que la manière d’aborder la lutte anti-liens trompeurs n’était pas vraiment user first. Pour moi, un lien, même acheté, est valable s’il apporte une cohérence à l’utilisateur. Se focaliser sur l’échange d’argent lors de la création d’un lien révélait une assez mauvaise connaissance du monde de la communication, où tout se négocie.

Heureusement, les dernières communications de Google se focalisent désormais sur la performance, l’expérience utilisateur. Quand je revois mes audits de 2009, je suis étonné du focus presque malsain sur des détails de code HTML et l’absence de réflexion sur l’UX et la stratégie.

Désormais tout a évolué : le SEO s’est dilué dans les autres métiers : l’UX, la data, le marketing d’influence et la stratégie de contenu. Le search n’est qu’un des aspects de la réflexion sur ces 4 piliers. La technique ? C’est un moyen et non une fin en soi...


Sébastien Monnier, fondateur de l'agence Woptimo (https://www.woptimo.com/).