Chaque mois, nous demandons à une personnalité du SEO francophone sa vision du futur de notre métier à une échéance de 5 ans (au-delà on peut imaginer que c'est de la pure science-fiction). Ce mois-ci, c'est Olivier Duffez, un des pionniers du domaine en France avec notamment son site WebRankInfo, ses formations et les outils en ligne qu'il propose, qui nous donne sa vision du futur de ce métier en revenant sur les quelques années qui viennent de s'écouler pour mieux envisager les prochaines...

Par Olivier Duffez


S'il est un secteur où les prédictions à 5 ans sont difficiles, je pense que le SEO en fait partie. Je tente ici l'exercice, merci à Olivier de m'avoir proposé de fournir mon humble vision !

20 ans après sa naissance, Google est toujours le maître incontesté des moteurs de recherche. Malheureusement, je doute que cela soit fortement différent dans 5 ans... J'aimerais pourtant bien que des Qwant et autres initiatives puissent représenter un véritable contrepoids. Si je m'en tiens à la stricte définition du terme SEO (optimisation pour les moteurs de recherche), il est donc naturel de commencer par tenter de deviner à quoi ressemblera Google à cette époque (ou Bing, Yandex ou Baidu, c'est finalement proche). Je décrirai ensuite comment le SEO (la personne) aura évolué, en tout cas le SEO qui aura survécu aux bouleversements importants à prévoir.

Je précise tout de suite que je suis un peu las des éternels refrains "le SEO est-il mort ?". Comme je l'explique dans mes formations, le "référenceur" est particulièrement doué pour s'adapter aux évolutions (imposées par Google et les changements d'usages). Celui qui n'y arrive pas meurt et change de métier, mais pas le SEO en lui-même. Suite à l'accélération des changements (merci l'IA), les SEO qui ne se remettront pas en question auront du mal à pratiquer ce métier en 2022...

A quoi ressemblera Google dans 5 ans ?

Quand on suit tous les jours ce qui se passe dans le Search en général et sur Google en particulier, l'évolution est assez claire. Certes, nous aurons quelques surprises, mais globalement voici 2 axes essentiels :

D'abord, les SERP :

- Google a pour but de répondre aux besoins de ses utilisateurs. Cela ne passe pas forcément par le fait de leur fournir un lien pour visiter un site en dehors de Google ! A chaque fois qu'il peut le faire lui-même, il va le faire. Que ça soit par de l'information "basique" affichée à l'écran ou vocalisée, ou par des liens vers d'autres propriétés de Google.

- Initiée par un travail humain, sa base de connaissances s'étoffe chaque minute par la digestion des milliards de contenus récoltés sur le Web. Tout ce qui est factuel et connu n'a plus de valeur, au sens où Google peut l'afficher sans vous (pas mal de MFA ou de sites de niches auront disparu à cause de ça). C'est déjà vrai aujourd'hui, ça sera le cas dans 5 ans pour des situations bien plus complexes. Par exemple aujourd'hui, c'est pour la météo ou l'indication d'un code postal, demain on aura directement en haut des SERP les mêmes outils de calculs d'emprunts qu'on trouve sur des sites immobiliers. Ce n'est pas forcément le meilleur exemple, car il me semble qu'on l'a déjà vu en test, mais c'est important car ces outils sont aujourd'hui des landing pages très stratégiques sur ces sites...

- Google aura inventé encore d'autres systèmes de "box" et autres carrousels. Ceux qui jouent le jeu (via schema.org et autres AMP) lutteront pour en profiter, les autres n'auront rien.

- Conclusion : le trafic naturel issu de Google sera bien plus difficile à obtenir. Comme Rand Fishkin le fait remarquer, les requêtes liées aux marques seront relativement épargnées : il est donc stratégique de travailler le branding ! Surveillez vos mentions, mesurez votre trafic marque dès maintenant...

Remarque : 3 évolutions majeures viendront renforcer ceci : le mobile, le vocal et les assistants.

- Concernant le mobile, j'aime à dire qu'il faut penser à être compatible desktop 🙂 Je pense qu'en 2022, on ne parlera plus de "mobile first" tellement ça sera évident ; on cherchera juste à ce que nos sites restent compatibles desktop. Sur mobile, le trafic naturel issu de Google est encore plus difficile à obtenir, ce qui amplifie considérablement le "problème".

- Concernant le vocal, la révolution pour moi n'est pas la recherche vocale (elle existe depuis des années et ne change pas grand chose, à part la difficulté pour le moteur à comprendre l'internaute). Ce qui change tout, c'est la réponse vocale. Car il n'y a qu'un seul gagnant ! Qui plus est, ce n'est pas du trafic pour vous, donc difficile à monétiser.

- Concernant les assistants, il faut s'attendre à ce que certains process soit chamboulés. Au lieu de passer par le traditionnel "recherche sur le moteur, visite d'un site, transformation" nous serons habitués à discuter avec un assistant (pour réserver un vol, effectuer telle action, obtenir des informations avancées). Le SEO devra rendre les process de l'entreprise compatibles avec les exigences des moteurs (comme ça commence à l'être quand la SNCF ou la FNAC s'adaptent à Google Home et autres Amazon Echo).

Ensuite l'algo :

- l'IA est déjà quasi partout chez Google, ça sera tellement évident dans 5 ans qu'on en parlera de façon bien plus naturelle.

- Elle aura totalement changé la vision des algos conçus en 2000, plaçant je pense bien plus d'importance à l'utilisateur.

- Les explications de Google aux SEO à propos des "updates" seront encore plus floues qu'aujourd'hui, à cause notamment de la baisse du rôle joué par les humains dans l'algo.

- Il sera bien plus difficile de contourner les algos de Google, qui repèrera le spam encore mieux qu'aujourd'hui. Bien sûr qu'on pourra toujours profiter de certaines niches, mais pas pour des stratégies pérennes destinées aux entreprises.

A quoi ressemblera le SEO dans 5 ans ?

Le tableau peut sembler surtout pessimiste, mais le SEO aura pas mal de façons de s'adapter.

Vers un travail SEO plus chirurgical

Rappelez-vous il y a 10 ans, avant que Panda change la donne, il était possible de spammer Google en produisant des contenus (pourris) de façon industrielle. Certains étaient repérés et ne sortaient pas dans les SERP, mais cela ne pénalisait pas les autres. Des SEO vendaient la création de pages "au kilo" ; des sites très sérieux se retrouvaient avec 95% de pages auto-générées en plus de leurs 5% de pages initiales.

En 2011, Google a eu beau expliquer qu'il se base sur l'ensemble des pages indexables pour juger la qualité d'un site, il a fallu des années pour que les SEO s'en rendent vraiment compte. Et encore... je constate que ce n'est toujours pas la majorité qui le réalisent.

D'ici 5 ans, imaginez le nombre de nouveaux sites et de nouvelles pages produites au niveau mondial ! Les algos de Google auront encore plus de boulot à faire le tri... et tolèreront encore moins qu'aujourd'hui les "pollueurs", les sites qui laissent en ligne des tonnes de pages. Il faudra être un peu plus écolo !

En 2022, le SEO (qui aura survécu) fera donc un travail chirurgical : *toutes* les pages qu'on fait indexer doivent être d'excellente qualité (ça veut dire en fait 10 fois mieux que vos concurrents). C'est tellement idiot de baisser la performance des bonnes pages en laissant indexer plein d'autres pourries ! Dans les années à venir, les SEO vont certainement faire un gros nettoyage des pages que j'appelle "zombies" (je n'ai pas inventé ce terme, mais je l'utilise sur ma plateforme My Ranking Metrics justement pour repérer ces pages).

Vers un SEO orienté Data et donc outils

On a toujours eu des outils SEO pour gagner du temps ou automatiser, mais je pense que le tournant que nous connaissons actuellement va s'accentuer comme cela n'a jamais été le cas. L'approche SEO pourrait changer radicalement (à part pour des petits sites vitrine ou locaux ?), devenant basée en premier lieu sur des données et des suggestions d'optimisation faites par des algos.

Ceux qui pensent pouvoir encore deviner comment prioriser les actions SEO sans profiter des apports de la "Data Science" et de ses algos se feront totalement dépasser par les autres.

Vers un SEO vraiment centré sur la satisfaction utilisateur

Si l'algo de Google se focalise sur l'utilisateur, il faudra bien que le SEO fasse de même. La meilleure façon de l'expliquer est de rappeler que l'algo de Google sait de mieux en mieux de quelle façon répondre aux demandes des internautes, quelles que soient les formulations bizarres qu'ils utilisent. Dans 5 ans, les algos auront vraiment bien appris à comprendre la fameuse intention de l'internaute, et donc à la meilleure façon de répondre.

Ce qui est dur pour le SEO, c'est qu'il n'a pas accès à cela : il faut donc faire un gros effort de ciblage. Qui je veux faire venir ? Dans quelle situation est l'internaute, quel contexte ? Que souhaite-t-il en réalité ? Une fois ce travail effectué, les experts du Content Marketing produiront les meilleurs contenus pour répondre à chacune de ces situations.

Finalement, on retrouve l'idée du SEO chirurgical : des contenus précis spécialement adaptés à chacun des besoins de l'internaute ; des contenus dont l'efficacité (SEO) est en permanence mesurée et surveillée par des outils.

Vers un SEO plus universel ? Ou bien plusieurs spécialistes ?

Certains pensent que le terme SEO devrait être remplacé, car il ne faut pas se contenter d'optimiser la visibilité sur les moteurs de recherche. C'est évident, il faut être présent partout où sont nos (futurs) clients. Mais ce n'est pas nouveau ! Tout comme on a ajouté le SMO (optimisation sur les réseaux sociaux) ou l'ASO (optimisation pour les App Stores), il faut par exemple penser PFO (terme que j'invente, optimisation sur les plateformes et autres marketplaces).

S'agit-il encore du métier de référencement ? Sans doute, mais il me semble difficile de rester généraliste. Je pense qu'on verra la suite logique de ce qu'on a connu depuis 20 ans : les compétences nécessaires à ce métier vont encore augmenter. Les bons SEO se seront spécialisés tout en ayant une connaissance suffisante de l'ensemble. Les meilleurs sites feront appel à différents experts, qui auront su se former aux nouvelles méthodes et s'équiper des bons outils.


Olivier Duffez, créateur et éditeur du site WebRankInfo (https://www.webrankinfo.com/)