TGI Paris, référé, 12 mai 2003, Lorie c/ M. G.S. et SA Wanadoo Portails

Par le cabinet Murielle-Isabelle CAHEN (http://www.murielle-cahen.com/)

Ces dernières années, la toile s’est étendue. En effet, le nombre de sites s’est accru de manière exponentielle. On peut aujourd'hui y trouver toutes sortes d’informations dans tous les domaines. Internet a donc vu se développer des outils de recherche pour permettre à l’utilisateur  de trouver les informations ou sites qu’il souhaite consulter. A cette fin, ont été créées notamment les moteurs de recherche, qui sont des outils automatisés. Ils indexent les sites par l’utilisation de programmes informatiques appelés "robots". Les robots (ou "spiders", "crawlers") sont des programmes de navigation qui suivent les liens hypertextes de pages Web et collectent l’ensemble des documents qu’ils peuvent trouver.

L'utilisateur d'un moteur peut donc formuler sa recherche à l'aide de mots qui seront recherchés dans les contenus des fichiers. Le résultat fourni par le moteur consiste en une liste de pages Web (ou plus généralement une liste de fichiers) contenant le ou les mots saisis. Ces résultats sont classés selon un ordre de pertinence. Tout le monde s'accorde à dire que les moteurs de recherche sont devenus un maillon incontournable dans la recherche d’informations sur Internet. Bien entendu, en corrolaire de cette utilisation massive se pose le problème de la responsabilité juridique de ces outils au sujet des informations qu'ils diffusent.

L’automatisation des moteurs de recherche engendre des difficultés

Dans le cas qui nous intéresse ici, la demanderesse, Mademoiselle LP, dite Lorie, assigne Monsieur GS et la société Wanadoo pour son moteur de recherche "Voila.fr". Sur la base de l’article 9 du code civil, la demanderesse souhaite la fermeture du site de Monsieur GS dans lequel il expose des photos montages de Lorie dans des "poses obscènes et dégradantes". En deuxième lieu, elle se fonde sur les articles 9 du code civil et notamment 1382 et 1384 du même code pour demander le déréférencement du site sur le moteur de recherche Voila.fr. En effet, la problématique étant que ces moteurs de recherche peuvent indexer des pages au contenu "illicites". Peut-on engager la responsabilité d’un moteur de recherche ? Sur quels fondements peut –on l’engager ?

La jurisprudence actuelle n’a traitée en majorité que de la responsabilité des fournisseurs d’accès et des fournisseurs d’hébergement. Par ailleurs, le législateur n’a pas apporté de solutions concernant la responsabilité du moteur de recherche ni dans la Directive "relative à certain aspects juridiques du commerce électronique" ni dans le projet modifiant la  loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Selon la doctrine, on ne peut exclure que l’outil de recherche engage sa responsabilité s’il a permis par sa négligence la connexion à site illicite.

La responsabilité des moteurs de recherche peut être engagée sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile ou sur le plan du droit pénal. Sur le plan de la responsabilité civile, elle est basée sur la notion de faute. Elle pourra être engagée dans l’hypothèse où le moteur de recherche référence  le site en connaissance de cause de son contenu illicite, soit parce qu’il avait connaissance de ce contenu, soit parce qu'informé de ce contenu litigieux, il n’est pas intervenu. Sa responsabilité pourrait également être engagée du fait de sa négligence, pour avoir facilité l’accès à des informations illicites. Sur le plan du droit pénal, l’outil de recherche pourrait notamment voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article 121-7 du Code pénal, sur le terrain de la complicité, pour avoir fourni en connaissance de cause une aide à la commission d’une infraction. Il pourrait également être poursuivi comme auteur direct des infractions, si les conditions d’incrimination du texte pénal sont remplies.

Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).