Pour en savoir sur la perception des moteurs de recherche d'actualités par les éditeurs eux-mêmes, nous avons interrogé Philippe Jannet, le Président du GESTE, une organisation représentant les éditeurs en ligne qui s'est à plusieurs reprises prononcée contre certaines méthodes de référencement. Il répond de façon franche et sans langue de bois à nos questions.  Chris Tolles, directeur marketing de Topix.net, un moteur de recherche d'actualités américain, a également accepté de nous présenter les spécificités de son outil.

Philippe Jannet - Directeur des éditions électroniques des Echos et Président du GESTE (Groupement des éditeurs de services en ligne) (http://www.geste.fr/)

Pourquoi le GESTE s'est-il opposé en 2004 à l'indexation de plusieurs sites de presse par Google News ?

Si Google était venu nous demander ce qu’on en pensait avant, on n’aurait peut-être pas réagi comme ça. C’était assez choquant pour nous. Comme vous le savez, toute la presse française a été obligée de signer des accords avec les journalistes au nom de la loi sur le droit d’auteur. Or, les titres et les chapôs sont défendus par ces droits d’auteurs. (…)

Le deuxième point de désaccord qui n’est d’ailleurs toujours pas complètement réglé, concernait les photographies. Google publiait dans Google News des articles avec des photos qui avaient des crédits qui n’avaient rien à voir avec le crédit exact des photos. Souvent on a des photos sur les sites Internet qui sont des photos AFP, avec un crédit AFP, et régulièrement Google mettait en crédit l’adresse du site. On s’est retrouvé avec des choses aussi aberrantes qu’une info qui était labellisée TF1 et une photo de France 2, en regard de l’article !

Ce problème n’est arrivé qu’avec Google ?

On avait eu le problème avant, il y a bien longtemps, avec une solution qui s’appelait Net2One et nous avions réagi de la même manière. Nous ne pouvons pas accepter que des gens prennent nos contenus pour faire du business, sans en parler avec nous avant. Quand on est éditeur de contenu, la seule richesse que l’on ait, ce sont nos contenus et nos marques. Le fait que quelqu’un puisse s’approprier nos contenus nous met toujours soit de mauvaise humeur. Nous préférons toujours le dialogue. C’est ce que nous avons fini par obtenir de Google. Et on a trouvé des solutions et des accords pour certains.

Quels accords commerciaux existent ?

Il n’y a pas d’accords commerciaux à ma connaissance. Il y a des accords où ça arrange simplement des éditeurs qui ont besoin de faire de l’audience absolument et d’être positionnés au mieux sur Google News. Donc, ils se contorsionnent pour être le plus souvent possible sur Google News. Dans le même temps, le relatif échec de Google News, lié à sa faible qualité éditoriale, a quelque peu limité la casse.

Et Yahoo News fonctionne bien ?

Oui, mais là c’est différent. Sur Yahoo News nous avons des accords. Yahoo News est arrivé après Google News. Ses dirigeants nous on présenté le projet. Ils nous ont expliqué comment ça se passerait et ils ont négocié des accords avec un certain nombre d’éditeurs. Yahoo achète des infos ou trouve des solutions en échange avec des éditeurs.

Mais Yahoo ne se définit pas comme un moteur en la matière mais comme un intermédiaire ?

C’est pour les marchés publicitaires, ça ! Cela reste un moteur de recherche dans l’état. C’est un outil d’agrégation d’information. Ce qu’il y a de plus gênant dans Yahoo News comme dans Google News, c’est que, si vous publiez un scoop – ce qui est quand même le propre de la presse et encore plus de la presse sur Internet – vous n’apparaissez pas du tout dans les moteurs parce qu’il y a des calculs qui sont faits sur le nombre de fois où la même information apparaît. Donc si vous êtes le premier à publier une info, vous n’allez pas y être. Vous n’y serez que si vous êtes le Xième à republier la même info. En gros, ils font la part belle aux gens qui n’ont pas vraiment de talent éditorial.


Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).