Quand on parle de référencement naturel, on aborde de très nombreux sujets : optimisation du code, structure et maillage interne, contenu, netlinking, etc. Mais le sujet de la dette technique est trop peu souvent abordé, alors qu’il fait pourtant partie intégrante de toute stratégie de référencement naturel à long terme. Mais qu’est-ce que la dette technique et comment l’anticiper dans son travail SEO ? Voici la réponse...

Par Daniel Roch


Qu’est-ce que la dette technique ?

La dette technique est un concept informatique relativement flou, car sa définition dépend du sujet auquel il s’applique (un site, un logiciel, un code, une pratique, etc.). De manière générale, on peut la définir de la façon suivante :
C’est l’ensemble des choix et actions que l’on peut faire sur un sujet donné, et qui auront un impact sur l’évolution, les résultats, le coût et la maintenabilité de ce même sujet.

En référencement naturel, il s'agira donc de l’ensemble des actions et choix que l’on peut faire et qui peuvent avoir un impact non seulement sur le positionnement du site, mais aussi sur l’évolution de ce dernier, sur la faisabilité de cette même évolution et sur le coût de toute action future. Par exemple, si je choisis une certaine structure dans mon menu, celle-ci va influer sur mes choix futurs et sur le coût de mise en place de chacun de ces choix, changements et correctifs.

Parfois, la dette technique est associée dans l’esprit des gens à la notion de bugs. Mais bien souvent, c’est plutôt un cumul de choix, d’imperfections, d’anomalies et de stratégies qui auront un coût et qui vont imposer ou non certaines contraintes. On peut par exemple citer les actions et choix suivants que font partie intégrante de la dette technique d’un site et de son référencement naturel :

  • Le choix d’un CMS ;
  • La stratégie de netlinking choisie (PBN, Guest bloging, échanges de liens, annuaires, interviews, etc.) ;
  • La qualité du code source de son site ;
  • Les langages et frameworks utilisés ;
  • Le choix de la structure d’un site et de ses contenus ;
  • Etc.

En d’autres termes, la dette technique peut se résumer en l’accumulation de choix qui auront un impact futur sur votre travail. Et malheureusement la dette technique est inévitable. L’objectif est plutôt de réussir à l’estimer en amont, à la maîtriser et à l’anticiper.

D’où vient la dette technique ?

Très souvent, la dette technique est involontaire. Par manque de temps, de budget, de compétences ou d’organisation, nous faisons des choix qui ne sont pas parfaits. Martin Flower est un auteur, conférencier et consultant informatique qui a écrit sur le sujet, et il les classe selon quatre critères :

  • Volontaires et involontaires ;
  • Risquées ou non risquées.

Et on peut le résumer de la façon suivante :

  • On peut avoir conscience du mauvais choix ou ne pas l’avoir ;
  • On peut avoir cette notion de prise de risque ou non (manque de temps, délais serrés, budgets trop restreints, etc.).

Fig. 1. Le classement de la dette technique (source).

Mais les sources réelles de cette dette sont multiples :

  • L’incompétence (mauvais référenceur, mauvais développeur, etc.) ;
  • Un manque de temps et de budget ;
  • Un cahier des charges mal pensé ;
  • De mauvais tests et recettages du site et de ses optimisations ;
  • Une documentation incomplète ou mal formulée ;
  • Un manque de formation ;
  • Des évolutions non prévues :
    • du marché et secteur d’activité ;
    • des concurrents ;
    • de son propre site ;
    • de certaines technologies ;
    • etc.
  • Le respect ou non des bonnes pratiques de développement ou de référencement naturel ;
  • Une mauvaise anticipation des besoins futurs ;
  • Etc.

Comment la mesurer de manière générale

Il n’y a pas de formule unique pour calculer et mesurer cette dette technique. Mais il y a une simple question pour savoir si ce que l’on fait est un choix optimal ou si c’est un choix qui va impacter notre développement futur : mon choix va-t-il m’imposer ou non des contraintes dans le futur ? Et cette contrainte doit toujours se mesurer selon un critère simple : le coût (financier, technologique, humain, etc.).

Fig. 2. On mesure la dette technique selon le coût que les contraintes vont imposer (source).

Il existe de nombreux critères qui doivent vous alerter sur une dette technique. Quelle que soit l’action ou la décision prise, ayez en tête les aspects suivants qui peuvent apparaître dès le début ou au fur et à mesure de tout projet :

  • Les dépendances : « si je modifie un élément, cela a-t-il un impact ailleurs et cela va-t-il m’empêcher certains choix futurs » ;
  • L’insatisfaction (des utilisateurs, des clients, des moteurs de recherche, etc.) ;
  • Les bugs ;
  • Le coût et le temps des développements futurs ;
  • Les résultats obtenus ou non ;
  • La complexité du code et/ou des outils, et la capacité à les réutiliser facilement ;
  • La duplication inutile du code, des outils et des contenus ;
  • La nécessité grandissante d’avoir des formations pour continuer à faire un travail normal ;
  • La trop grande centralisation de la compétence (par exemple, une seule personne qui serait capable de travailler sur le code du site) ;
  • Etc.

Que faire ?

Quand on travaille sur un projet web, il faut avoir conscience que cette dette technique existe et qu’on ne peut rien y faire. Il faut surtout constamment la mesurer afin de savoir à partir de quand il faut agir et la résorber. Nous conseillons donc de mesurer sans cesse le coût des futurs développements, de la maintenance, du débogage, du support, des correctifs, etc.

Par exemple, un client fait le choix d’un CMS, d’un design et d’une structure de site. Quel est le coût :

  • de la modification de l’aspect graphique ?
  • du basculement vers un autre CMS ?
  • du développement d’une nouvelle fonctionnalité ?
  • du suivi et de la maintenance du site existant ?

Si à un moment donné, le coût est plus élevé que le retour sur investissement possible, c’est que votre dette technique est trop importante. La clé est donc de la mesurer, et surtout d’apprendre à l’anticiper.

La méthode SQALE

Face à de telles problématiques, certaines initiatives ont été menées, avec notamment la méthode SQALE. Il s’agit d’une méthode pas à pas pour analyser la qualité d’un logiciel et de son cycle de vie. La méthode complète est disponible gratuitement sur le site officiel (en anglais).

Le plus intéressant dans cette méthode est surtout son principe. Elle permet notamment de répondre à différentes questions importantes :

  • Quelle est la qualité du code (ou des actions) ?
  • Est-ce que mon code et mes actions sont évolutifs, maintenables, portables et réutilisables ?
  • Est-ce que mes choix auront des contraintes et un coût ultérieur ?
  • Est-il possible de réduire ma dette technique ?

Vous pouvez donc l’appliquer en SEO et sur l’ensemble de vos projets WEB.

La dette technique et le SEO

Tout ce qui vient d’être dit fait référence à la dette technique de manière globale. Mais en quoi consiste-t-elle en référencement naturel ? A quoi ressemble-t-elle ? Il y a en réalité plusieurs types de dettes techniques en référencement naturel, certaines ayant bien plus d’impact que d’autres. On y retrouve :

  • Celle liée aux aspects techniques ;
  • Celle liée aux contenus ;
  • Celle liée à la popularité.

La dette du socle technique en SEO

Les aspects techniques d’un site influent sur le bon référencement de ce dernier : indexation, crawl, balisage Hn et schema.org, tout va influer sur le comportement de Google et des autres moteurs de recherche.

Lorsqu’on choisit une solution technique (un CMS, un langage, un type de balisage, etc.), cela aura systématiquement un impact important sur votre dette technique. Un développement va en effet avoir un coût, par exemple sur la création d’un site ou le développement d’une fonctionnalité.

Ces différents coûts peuvent être maîtrisés ou anarchiques. Et souvent, le client final ne se rend pas compte de la portée de ses demandes ni de ses choix.

Par exemple, lorsqu’on sélectionne un CMS, cela va impacter le coût des développements futurs. En général, un développement sur WordPress aura un coût souvent inférieur à un développement sur Magento, qui lui-même aura un coût inférieur à un développement sur une solution conçue sur-mesure. Au-delà du coût, ce même exemple implique des contraintes de développements différentes entre les trois solutions (compétences nécessaires, temps de développement, etc.), et va également influer sur la capacité du client ou du référenceur à trouver un prestataire maîtrisant l’outil ou la technologie. Ceci est donc important, car cela va fortement modifier les coûts et le temps de développements, car toute demande d’optimisation technique future pour le SEO sera plus ou moins couteuse et complexe.

En règle générale, un mauvais choix technique peut toujours être rattrapé. Par exemple, si nous choisissons WordPress, on peut toujours changer de CMS pour partir sur Joomla, Drupal ou encore Spip. Mais son retour sur investissement ne sera absolument pas le même. Plus tôt on se rend compte de la problématique, plus tôt on peut influer sur les choix techniques pour résoudre le coût à long terme (et donc augmenter le retour sur investissement de son référencement naturel).

Quand plusieurs solutions sont possibles pour le référencement, choisissez toujours la solution :

  • Qui impose le moins de contrainte ;
  • Qui est facilement maintenable ;
  • Qui est correctement documentée ;
  • Qui peut être reprise facilement par une tierce personne.

On évitera ainsi de choisir des CMS, technologies ou langages peu répandus. Dans le cadre de développements ou d’optimisations sur mesure, il faudra documenter et rendre le plus lisible possible son code et ses optimisations. Sachez d’ailleurs qu’il existe certains outils pour veiller et mesurer la qualité de votre code, notamment :

Fig. 3. Scrutinizer est un outil qui mesure la qualité de votre code.

La dette des contenus

C’est sans doute celle qui aura le moins d’impact. Tout contenu rédigé peut avoir un impact positif sur le référencement naturel. En rédigeant de nouveaux contenus, on améliore donc ce dernier. Mais publier des contenus en très grandes quantités n’est pas toujours idéal, et peut avoir justement un impact sur cette notion de dette technique.

Par expérience, on se rend compte que certains contenus viennent soit nuire au référencement naturel, soit compliquer toute la stratégie future. Et pour que cela soit concret, en voici quelques exemples :

  • L’utilisateur qui va copier/coller le contenu d’un autre site (souvent sans prévenir son référenceur) ;
  • Les contenus associés à des dizaines de catégories différentes, provoquant un appauvrissement de la qualité de la structure du site ;
  • Les contenus trop courts ;
  • Les contenus inutiles (comme le fameux article « bonne année 2018 ») ;
  • >

  • Etc.

Chaque contenu aura donc un impact sur cette dette technique, car :

  • Le référenceur devra passer du temps pour nettoyer ces contenus ;
  • Il faudra former les utilisateurs ;
  • Cela compliquera toute refonte car les redirections et re-catégorisations seront plus nombreuses à mettre en place, donc plus coûteuses.

Et une partie de cette dette aurait pourtant pu être réduite en amont, par exemple :

  • En formant les utilisateurs ;
  • En anticipant les erreurs (par exemple rendre impossible de publier un contenu trop court ou d’associer plus d’une catégorie à une publication) ;
  • En mettant en place des alertes automatiques.

La dette de la popularité

Celle-ci est celle sur laquelle le référenceur aura le moins d’emprise. Tout le monde le sait, faire des liens a toujours un impact très fort sur le référencement naturel. Il faut donc chercher à créer des liens optimisés et populaires vers son propre site. Le souci, c’est que la notion de lien optimisé est assez floue pour certaines personnes, et que de nombreux référenceurs n’ont pas la même vision de cette tâche. Il faut en effet savoir doser entre liens optimisés ou non afin de rester naturel.

Et le plus gros problème, c’est que si l’on se trompe, il est dur de revenir en arrière. Quand vous allez créer un lien vers votre site, vous n’aurez pas toujours la possibilité de le supprimer ou de le modifier plus tard. La dette engendrée est donc énorme car les possibilités de retour en arrière sont complexes, longues et incertaines. Vous devez donc faire très attention à cet aspect pour ne pas impacter un positionnement futur.

Cela avait notamment été le cas de tous les sites pénalisés par l’algorithme Google Penguin. Ces sites avaient fait le choix de créer de nombreux liens peu qualitatifs vers le leur pour gagner en popularité. Ce choix fait partie de leur dette technique, et l’algorithme les a pénalisés à terme. Certains sont depuis lors sortis de cette pénalité, mais cela aura été long et coûteux.

Fig. 4. Google Penguin, un algorithme mettant en avant de mauvais choix SEO.

Théoriquement, toute technique du même type peut avoir le même impact sur votre dette technique. Par exemple, en ce moment, la mode est aux PBN (Private Blog Network) ou/et aux rachats de noms de domaine expirés. Mais rien ne dit que ces techniques ne seront pas pénalisées dans le futur. Elles font donc partie intégrante de votre dette technique !

Prévoir, prévoir et prévoir !

Retenez toujours cela : la clé d’un bon référencement naturel est de prévoir et d’anticiper. Ayez toujours en tête que chaque action et choix doit être mesuré. Demandez-vous :

  • Ce choix est-il irréversible ?
    • Si oui, puis-je faire un autre choix ?
    • Si non, quel est le coût d’un changement ultérieur ?
  • Quelles sont les contraintes éventuelles que ce choix implique à court, moyen et long terme ?
  • Y a-t-il une chance que ce choix ne soit plus utile pour les moteurs de recherche dans les années à venir ?
  • Pire encore, est-il possible que ce choix ait un impact négatif dans les mois et années suivantes ?

Testez avant

Une autre façon de répondre à ces questions est de tester. L’idéal est ainsi d’avoir un autre site sur lequel vous pouvez tester différentes techniques de référencement naturel. Vous pourrez ainsi en mesurer l’impact réel, mais surtout mieux cerner les contraintes et le coût que chacune peut avoir.

On peut ainsi tester :

  • Différents types de maillage interne ;
  • Différents CMS ;
  • Différentes stratégies de netlinking ;
  • Etc.

Pourquoi est-ce important ?

En partant du principe que vous possédez les compétences pour mesurer le potentiel d’une action, chacun de vos choix doit passer par une étape simple : la mesure du retour sur investissement par rapport à son coût.

Dans l’idéal, essayez d’estimer le trafic potentiel apporté par votre action, et le taux de conversion qui y serait associé. Estimez ensuite à côté le coût de cette action. Vous aurez ensuite la capacité de mesurer l’intérêt réel de chaque action (et gardez bien en tête aussi les contraintes que ce choix peut apporter).

Trafic Potentiel * Taux de conversion * Marge = Bénéfice potentiel
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Coût

Prenons un exemple concret :

• Un client possède un site WordPress avec un thème payant. Nous avons besoin d’automatiser le maillage interne dans les catégories. Ce développement, avec le thème WordPress sélectionné, pourrait coûter 500€ HT. Quel est le potentiel de trafic et de marge que je peux estimer avec cette optimisation et mon taux de conversion actuel ?

• Maintenant, imaginons que le client n’ait pas de CMS mais une solution sur mesure et qu’il a besoin de la même fonctionnalité. Le coût pourrait être de 1500€.

Dans les deux cas, le potentiel de trafic et de ventes est le même, mais le retour sur investissement est complètement différent.

Pire encore, en prenant ce simple exemple, on peut tout de suite savoir que tout futur développement sur la solution sur mesure aura un coût plus élevé, avec pourtant des fonctionnalités et un bénéfice potentiel similaire.

Notre dette technique a donc un impact fort et constant sur la rentabilité de nos actions. Dans notre exemple, il serait donc préférable de basculer la solution sur mesure sur un autre CMS. Cela aurait un coût initial élevé, correspondant entièrement à votre dette technique. Mais c’est justement ce choix anticipé qui permettrait justement de la résorber pour les futures évolutions.

Vérifier l’impact avant d’agir

Avant de faire un choix quelconque en référencement naturel, pensez donc à tous les aspects suivants :

  • Le besoin réel lié à ce choix (puis-je me passer de cet élément ?) ;
  • L’impact potentiel ;
  • Dans le cas où il s’agit de code :
    • Est-il testé ?
    • Est-il commenté et documenté ?
    • Respecte-t-il les standards de code ?
    • D’autres développeurs peuvent-ils facilement le comprendre ?
  • Les utilisateurs sont-ils formés ?<
  • Le reste du site, du contenu ou des liens est-il impacté ?
  • Un suivi de positionnement est-il mise en place ?
  • Ai-je un moyen de noter à quelle date ce choix est mis en place pour en mesurer l’impact à postériori ?

Et si on simplifiait cela, cela donnerait tout simplement les conseils suivants :

  • Formez-vous ou entourez-vous de personnes compétentes dans chaque domaine ;
  • Au niveau technique, choisissez toujours les solutions les plus couramment utilisées ;
  • Au niveau des contenus, faites-en moins mais de meilleure qualité ;
  • Au niveau des liens, soyez naturel et favorisez toujours les liens sur lesquels vous pouvez garder le contrôle.

Conclusion

La dette technique représente l’accumulation de nos choix et l‘impact et le coût que ces derniers vont avoir sur notre évolution et notre travail. Tout le monde a une dette technique plus ou moins grande sur son site web et en référencement naturel. Mais peu d’entre nous la mesurent réellement et prennent conscience de ce que cela implique. Trop souvent, nous avons tendance à nous dire « ce n’est pas grave, nous allons faire avec pour le moment ». Pourtant, c’est exactement ce type de raisonnement qui augmente les coûts sur le long terme et alourdit la dette.

Apprenez donc à la mesurer le plus tôt possible afin de pouvoir rapidement agir pour la résorber, sous peine de pénaliser plus tard votre référencement naturel, ou d’en augmenter considérablement et inutilement le coût pour rien.


Daniel Roch, consultant WordPress, Référencement et Webmarketing chez SeoMix (http://www.seomix.fr)