Après un an de congé sabbatique pour faire un tour du monde et n'ayant qu'une envie toute relative de retrouver le métro parisien, Jean-Benoît Moingt a décidé de continuer à voyager tout en travaillant pour gagner sa vie. Il y a tout juste deux ans, il est devenu «  digital nomade  ». Son métier n'a pas changé : il propose du conseil en SEO. Seul (gros) changement : il l'exerce désormais 100% à distance. Il vous propose dans cet article un petit panorama des avantages et des inconvénients de cette situation.

Par Jean-Benoît Moingt


Je peux vivre (presque) partout dans le monde

L'objectif numéro du choix d'un mode de vie nomade est de n'avoir aucune contrainte géographique et d'en profiter pour voyager à travers le monde, briser la routine et découvrir de nouveaux lieux en permanence. Concrètement, je change de lieu de vie et donc de lieu de travail tous les 45 jours en moyenne. En 2 ans de nomadisme digital, j'ai "vécu" dans 15 pays différents en Europe, en Asie, en Afrique du Nord et en Amérique du Nord. 

Le choix d'un pays et d'une ville est un subtil mélange entre l'intérêt touristique du lieu, le coût de la vie, la météo, la gastronomie et évidemment, la qualité de la connexion Internet. 


Fig. 1. A deux, nous vivons avec 42 kg de bagages tout compris.

De par mon activité, je suis aussi contraint par les fuseaux horaires. Mes clients étant quasi exclusivement en France, je fais en sorte d'avoir au moins une demi-journée d'horaires de bureau en commun. Je suis par exemple en ce moment à Montréal. Lorsque je démarre ma journée, c'est le début d'après-midi en France. Avec un petit peu d'organisation, cela permet sans problème d'organiser les réunions nécessaires.  L'Australie et ses 10h de décalage horaire, ce sera en revanche pour les vacances...

Une fois le choix de la destination fait, je cherche puis réserve un logement sur Airbnb. Ce lieu deviendra mon habitation et mon lieu de travail pour au moins un mois.

Mon environnement de travail s'est globalement dégradé

Lorsque j'étais sédentaire, je travaillais avec deux grands écrans, j'avais choisi un siège ergonomique très confortable qui convenait à ma grande taille, je bénéficiais d'une connexion Internet ultra rapide grâce à la fibre optique et j'avais même un bureau réglable qui me permettait de travailler debout lorsque je le souhaitais. 

Maintenant que je suis nomade et que toutes mes affaires doivent tenir dans une valise, la donne a bien changé. Je travaille sur mon ordinateur portable 13", un siège et une table que je n'ai pas choisis et la fibre optique n'est qu'un lointain souvenir (sauf au Japon et en Corée du Sud qui nous battent à plate couture !).

C'est un aspect que je n'avais pas anticipé avant d'adopter ce mode de vie. Travaillant sur mon ordinateur, comme tout SEO, une longue partie de la journée, les douleurs dorsales et les tendinites au bras peuvent vite arriver.

Au fur et à mesure, j'ai optimisé tout ce que je pouvais : support pour surélever l'ordinateur et le mettre à la bonne hauteur, souris ergonomique, tablette pouvant faire office de deuxième écran, etc. Mais globalement, l'ergonomie de mon poste de travail reste de moins bonne qualité par rapport à ce que j'avais avant.


Fig. 2. Mon poste de travail à Essaouira au Maroc.

A côté de cela, j'ai le plaisir de découvrir la productivité qu'on gagne en quittant les "open spaces". Ayant toujours travaillé dans ce type d'espace, je ne m'étais jamais posé la question. C'est maintenant que je me rends compte que les interruptions permanentes qu'ils génèrent sont destructeurs de productivité.

Il est plus difficile de trouver des clients

Dans le cadre d'une prestation SEO, le fait de travailler exclusivement à distance est indubitablement une contrainte.  Dans certaines organisations complexes où les intervenants sont multiples et les réunions quotidiennes nombreuses, une présence sur place est parfois indispensable. 


Même quand ça ne l'est pas, la distance peut être un motif d'inquiétude et le client potentiel préférera faire appel à un consultant "de proximité", quand bien même il ne le verra physiquement qu'une fois dans l'année.

Très clairement, de belles opportunités n'ont pas pu se concrétiser à cause de la distance.

Ayant exercé mon métier de SEO en agence puis chez l'annonceur pendant plusieurs années avant de devenir nomade, j'ai la chance de m'être constitué un petit réseau professionnel qui me sert aujourd'hui. Je travaille en effet quasi exclusivement avec des personnes que je connais ou auprès de qui j'ai été recommandé. Dans ces cas-là, la contrainte de la distance est largement réduite.

Conscient de cette contrainte, je m'efforce d'être le plus sérieux possible sur des points tout simples : être ponctuel lors des rendez-vous téléphoniques, accuser bonne réception des e-mails, rendre les livrables à la date prévue, ... Ces règles de bon sens ne sont pas respectées par tous (loin de là !). En étant strict là-dessus, on fait rapidement oublier la distance. Il m'est d'ailleurs arrivé qu'un client me demande de participer à une réunion dans ses locaux alors que j'étais... à 10 000 km de Paris, au Cambodge.

Les réunions à distance nécessitent d'utiliser les bons outils

En entamant cette vie de nomade, je m'attendais à utiliser Skype en permanence, j'étais persuadé que c'était un standard que tout le monde utilisait.  J'ai vite compris mon erreur en organisant mes premières réunions avec le logiciel de Microsoft.  Entre le client qui n'a pas Skype installé, celui qui a oublié son mot de passe, celui dont le casque est défectueux, le partage d'écran qui ne fonctionne qu'une fois sur deux... Un vrai désastre !

La meilleure solution, c'est souvent tout simplement... le bon vieux téléphone qui permet à mon client de ne pas changer ses habitudes.  J'ai un abonnement Free Mobile qui permet des appels illimités vers la France depuis 65 pays. Pour les pays non couverts, j'utilise la solution de VoIP d'OVH, le prix est imbattable et le service fonctionne bien (ce qui n'est pas le cas de tous les services d'OVH...).

J'essaie également d'utiliser au maximum la visioconférence pour son aspect convivial et pour bénéficier de la communication non verbale. Pour ça la solution Appear.in est un must, c'est gratuit (jusqu'à 4 participants), il n'y a rien à installer et aucun compte à créer. 

Et Google dans tout ça ?

En changeant régulièrement de pays, j'ai parfois la surprise de découvrir des fonctionnalités de Google qui ne sont pas (encore ?) déployées en France. Par exemple, c'est au Japon, pays où il est habituel de faire la queue au restaurant, que j'ai vu pour la première fois sur Google la durée d'attente en temps réel pour chaque restaurant. C'est au Portugal que j'ai vu que Google proposait directement la réservation de restaurant. Au Canada que j'ai vu qu'on pouvait poser une question à un établissement...

Ça c'est pour l'aspect sympathique. 

Plus embêtant, Google a décidé en octobre 2017 de ne plus prendre en compte l'extension du nom de domaine comme élément de géolocalisation. Depuis cette date, que l'on tape "restaurant" sur google.fr, google.it ou google.es, on aura les mêmes résultats... liés à la localisation de notre appareil. 

C'est certainement une bonne évolution pour la majorité des utilisateurs, mais il m'est devenu difficile de voir les mêmes SERPs que mes clients en France. L'utilisation de VPN français et le forçage de paramètres régionaux ne règlent pas complètement le problème. Depuis, je fais encore plus de suivi ranking qu'avant 🙂

En conclusion

Exercer comme consultant SEO "digital nomade" n'a finalement pas de grandes différences avec celui de n'importe quel freelance qui travaille depuis son domicile. La réticence de certains clients potentiels va s'atténuer au fur et à mesure que le télétravail va se généraliser dans les années à venir. La perte de confort relative est largement compensée par le plaisir du voyage. La qualité de connexion internet limite quelque peu le choix des destinations, mais c'est dans un petit village en France que j'ai certainement eu ma plus mauvaise connexion... 😉

J'encourage ceux qui sont tentés par ce mode de vie de ne pas hésiter à se lancer. Un congé sabbatique permet de se lancer sans grand risque et il est facile, lorsqu'on démarre, de choisir des destinations avec un cout de la vie modeste, le temps de faire décoller son activité.


Jean-Benoît Moingt
Consultant SEO Senior chez Watussi (https://www.watussi.fr/).