L’optimisation d’un site Web multilingue implique de nombreuses problématiques techniques. Comment séparer les langues, faut-il une version par langue ou par pays ? Sous-domaine ou répertoire ? Quelle méthode utiliser afin de renvoyer l’utilisateur vers la bonne version ? Hreflang, canonical ? Entre mise en place et monitoring technique des différentes variantes d’un même site, la traduction semble souvent être la partie la plus facile. Certes, elle demande quelques ressources et un peu de temps, mais après tout, est-ce bien compliqué de traduire des textes ? Cet article vous propose d’opérer un pas de côté pour considérer le travail de traduction en tant que chantier SEO stratégique.

Traduire, écrire et compléter son contenu selon le marché visé.

La traduction peut prendre plusieurs formes. Les personnes aguerries dans le métier parlent de « thème » ou de « version » pour désigner dans quel sens l’on traduit. Cela évoque peut-être pour certains d'entre vous quelques souvenirs de classe !

La traduction est un exercice à part entière. Il s’agit d’une profession qui dispose de ses propres méthodes, de ses propres formations et écoles reconnues, ainsi que de branches et sous-branches. Les traducteurs et traductreurs-interprètes disposent certes d’un socle commun de connaissances, mais les quotidiens de ces deux professionnels ne se ressemblent que très peu.

Dans le domaine de la traduction littéraire, on parle justement de « traduction littérale »  et « traduction littéraire ». En résumé, c'est le premier des deux que l’on cherche à éviter. Il s’agit du royaume du premier degré, des faux-amis et des quiproquos. Ces connaissances et compétences sont maîtrisées par les traducteurs professionnels. C’est la raison pour laquelle il peut être risqué de s'improviser traducteur au risque de produire des versions à la qualité non seulement insuffisante, mais hors sujet. Car traduire, ne consiste pas uniquement au fait d’être bilingue au point d’être en mesure de proposer une transcription. Les bonnes traductions transmettent des informations, mais aussi une tonalité, parfois même un style. Imaginez un roman triste qui, avec des mauvais choix de mots, devient soudainement comique ? Si vous avez déjà rencontré des problèmes de communication dans votre propre langue, votre langue maternelle, il vous est certainement très facile d’imaginer que le domaine de la traduction représente la porte d’entrée vers les plus belles confusions.

Remarquons que dans le domaine de la rédaction, on connaît bien la profession de rédacteur Web. C’est une profession et un domaine de compétences spécifiques, différente du fait d’être auteur de fiction ou essayiste en philosophie. Si le rédacteur Web a sa propre fiche de poste, pourquoi ne pourrait-on pas parler également de traducteur Web ? Un traducteur qui aurait une connaissance, jugée nécessaire, des fondamentaux du marketing et du SEO. S’il ne fallait parler que de SEO.

Afin de déterminer la qualité d’une traduction pour le SEO, faisons le point sur les objectifs de de cette tâche :

  • Proposer une version qualitative dans une autre langue (grammaire, orthographe, syntaxe) ;
  • Être optimisé par rapport aux objectifs du site Web (ranking) ;
  • Transmettre l’image de marque de l’éditeur du site Web ;
  • Remplir les objectifs liés au copywriting pour mener l’internaute vers l’action souhaitée (conversion).

Ces critères sont très proches de ce que l’on demanderait à un rédacteur Web. Mais la traduction ajoute surtout des risques :

  • Déperdition de sens ;
  • Niveau d’optimisation aléatoire ;
  • Manque de ciblage par rapport à l’audience locale.

Ces risques supplémentaires justifient souvent un temps supplémentaire passé pour la définition du périmètre de la traduction, sa gestion et la phase de contrôle.

La difficulté de l’intention de recherche

L’intention de recherche est au cœur des stratégies de content marketing. La création de contenus pour le Web, et surtout dans un objectif SEO, demande une bonne compréhension de l’intention de recherche. Cette dernière est obligatoire pour bien se positionner dans les résultats naturels mais également dans le but d’orienter son audience. C’est encore une fois la nuance entre le domaine de l’acquisition et celui de la transformation.

Prenons un exemple concret : celui du mot « crayon ».

Voici un cas a priori simple. Les personnes qui ont quelques bases dans la langue de Shakespeare diront qu’on le traduit par « pencil ». Dans l’autre sens, un crayon n’est pas un mot si évident à transcrire vers le français. Explications.

Saviez-vous que le mot « crayola » est une antonomase (nom propre utilisé comme un nom commun) ? Comme frigidaire ou sopalin ?

Extrait des informations liées à l’enregistrement de la marque « crayola » en Union européenne.

S’il n’est pas embêtant en français de citer le nom de cette marque protégée pour parler d’un petit crayon en cire, ce bâton de pastel entouré d’une feuille de papier… en anglais ce n’est pas si évident. En anglais US plus particulièrement, le crayola se dit « crayon ». Si l’on doute au sujet de la pertinence de rédiger et traduire en tenant compte de ce fait, une analyse des termes proposés par les guides premium de YourText.Guru montre la proximité sémantique (de sens) entre le crayola et le crayon. Le point en commun ? La présence du mot qui désigne la cire, ou « wax » en anglais.

Comparaison des termes principaux indiqués par YourText.Guru permettant d’identifier la proximité entre le « crayola » et le « crayon ».

 

Les résultats Google FR pour la requête « crayola » 

Les résultats Google US pour la requête « crayon » 

 

Dans certains cas, ce type de nuance linguistique demande non seulement un temps de réflexion supplémentaire en phase de traduction, mais elle peut même orienter une stratégie de content marketing. Faut-il traduire simplement en mentionnant le terme « crayon » dans une page de vente destinée au public US ? Faut-il différencier le crayon du crayola, du crayon en cire, du pastel sec, du pastel en cire ? Car oui, aux États-Unis ces notions peuvent désigner le même objet.

Mais si nous imaginons un projet de traduction d’un site e-commerce qui ne souhaite pas mentionner le mot « crayola » et plutôt pastel à la cire, utiliser uniquement les termes « wax pastel » ou « dry pastel » nous fait prendre le risque de tomber dans un hors-sujet en ce qui concerne l’intention de recherche !
Si le traducteur n’a pas connaissance du fait que le public aux États-Unis parle de « crayon », alors on se passe d’une opportunité de trafic SEO important. Certes les algorithmes de Google sont de plus en plus intelligents pour comprendre l’intention, mais n’est-ce pas notre rôle de référenceurs que de lui faciliter le travail afin de positionner nos contenus ?

Les différences par territoires (et non pas par langues)

Les nuances par langues sont un fait. Mais n’oublions pas les différences par territoires ! D’ailleurs, le fait que « crayon » désigne notre crayola est valable surtout pour l’anglais US. En français aussi nous possédons nos nuances, s’il ne fallait évoquer que la France, la Belgique, la Suisse… C’est à ce moment que l’histoire se complique encore plus. En effet, les traductions doivent non seulement tenir compte des subtilités de la langue, mais aussi de détails réglementaires. Ces détails n’en sont pas toujours et peuvent avoir des conséquences importantes. Quelques approximations dans un ciblage culturel sont sans aucun doute moins graves que l’absence de considération de différences législatives.

Autre exemple… Si vous êtes dans le domaine de la rénovation de logement et que vous souhaitez une version en anglais de votre offre, n’oubliez pas que selon le pays, le terme « bathroom » correspond tantôt aux toilettes, tantôt à la salle de bain ! Cela signifie peut-être qu’une version par langue est insuffisante et qu’il faudrait une version de site par pays ? Autrement, votre taux de conversion risque de sombrer !

Et si cela sonne bizarrement ?

Jusqu’ici, cet article partait du principe que le niveau de traduction était satisfaisant. Nous nous sommes concentrés sur quelques nuances qui permettent d’aller plus loin et surtout pour éviter des erreurs importantes.

Mais regardons aussi l’impact d’une traduction hasardeuse. Outre la qualité relative des textes, les conséquences sur la conversion sont importantes. Un texte bien écrit et agréable communique également un indice de confiance.

Exemple de traduction vers le français pour le service en ligne Movavi.
« Capturer des écrans » à la place de « capture d'écran ». 

 

Pire, une mauvaise traduction donne une impression d’illégalité. C’est même une technique utilisée par les services de douane pour repérer les contrefaçons.

Conseil pour se protéger de la contrefaçon sur le site YesMyPatent au sujet des fakes dans le domaine des cosmétiques.

 

Comment structurer un projet de traduction orienté SEO ?

La création d’un site multilingue ne devrait pas se contenter d’une transcription littérale et immédiate. Mettre en ligne une version jumelle est une erreur qui freine non seulement les bonnes performances en résultat naturel, mais qui contraint aussi les chances de convertir.

Entrer sur un nouveau marché, même sur le Web, demande une phase préparatoire importante. Avant de lancer un business, on parle de business plan, d’étude de marché, etc. Pour la création d’un site multilingue et la conquête des marchés à l’étranger, ce travail est également indispensable. Cela signifie que votre étude de mots-clés et votre stratégie (dans son ensemble) doivent totalement s’adapter au pays dans lequel vous souhaitez vous implanter. Peut-être allez-vous décider que les versions anglaise et italienne de votre site web seront très similaires à la version originale. Mais comment prendre cette décision importante sans réaliser d’analyses ? Vos ambitions internationales peuvent aussi influencer vos choix en outils de suivi de performances. Surtout, le fait de configurer correctement l’ensemble du tracking deviendra encore plus primordial.

La méconnaissance du marché que l’on vise et des habitudes d’achat crée de véritables risques. Au mieux il ne se passe rien, au pire vous êtes complètement dépassé par la concurrence. Saviez-vous que les compositions de parfum changent selon le pays de vente ? Des créateurs n’hésitent pas à varier la concentration en parfum pour rendre le produit plus ou moins odorant selon le pays. De la même manière, les aspirateurs Dyson et le bruit qu’ils produisent font l’objet de choix conscients. Cette intelligence marketing pour s’adapter à chaque marché visé, chaque culture ciblée, est tout aussi applicable aux stratégies de contenu et donc aux projets de traduction.

 

Syphaïwong Bay, Consultante Web Éditorial, SEO et Content Marketing  Assonance.net et Eva Belgherbi, doctorante en histoire de l’art (Université de Poitiers CRIHAM - École du Louvre)